Quoiqu’elle puisse, dans certains cas prévus par la loi, être instituée par la volonté d’une seule personne, l’article 1832 du Code civil, bien connu des étudiants en droit, pose en principe que la société est un contrat par lequel « deux ou plusieurs personnes […] conviennent d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter ». Cette volonté de participer à l'entreprise commune suppose une entente, ou affectio societatis, qui doit non seulement s'exprimer entre les associés lors de la création de la société, mais encore tout au long de son existence. Aussi, lorsque la dégradation de leurs relations altèrent durablement la bonne marche de la société au point de mettre en cause sa pérennité même – ce qui, en fait, ne peut advenir que dans les sociétés de personnes comme les SCP où l’intuitu personae et l’apport en industrie sont essentiels -, différentes techniques juridiques permettent de remédier à ces situations : parfois, le retrait ou l’exclusion d’un associé pourront être envisagés pour maintenir l’existence de la société en dépit de la mésentente des associés; dans les cas les plus sérieux, si cette mésentente conduit à une véritable paralysie du fonctionnement normal de la société, une décision de dissolution judiciaire anticipée s’imposera.
Ne nous attardons pas sur la notion de mésentente dont le demandeur à la dissolution ne doit naturellement pas être à l’origine. Celle-ci ne doit d’ailleurs pas se confondre avec celles d’abus de majorité ou de minorité, qui peuvent donner lieu à des sanctions ou décisions adaptées sans pour autant attenter à la vie de la société. C’est sur les effets de la mésentente qu’il convient, en revanche, de s’appesantir un instant. A quelques notables exceptions près, la jurisprudence a toujours considéré, comme la Chambre mixte de la Cour de cassation dans son arrêt du 16 décembre 2005, que la dissolution ne devait être prononcée que si la mésentente et la disparition corrélative de l'affectio societatis entravent la bonne marche de la société en en paralysant le fonctionnement. C’est ce que vient de rappeler la 3ème Chambre civile aux termes de sa décision du 16 mars 2011 rendu à propos d’une affaire qui opposait deux ex-concubins associés dans une SCI.
On pourra toujours tenter de soutenir que la disparition de l’affectio societatis est susceptible de provoquer la paralysie sociale en bloquant les mécanismes de décision de la société, mais force est d’admettre que cette dernière jurisprudence ne va pas dans ce sens puisque, en l’espèce, la mésentente pourtant avérée des associés n’a pas eu pour conséquence un blocage des organes sociaux, seule situation capable d’empêcher la poursuite de l'activité, cette appréciation relevant en toute hypothèse des juges du fond.